Arme révolutionnaire pour flic hors normes - Billet
Retour à "Articles"Tout le monde se souvient de Clint Eastwood et son fameux Magnum 357 dans la série de films L'Inspecteur Harry. Dans l’imagerie hollywoodienne, le choix des armes contribue à créer les personnages, voire à inscrire leur légende durablement dans l’esprit du public. Michael Mann l’avait bien compris.
Le cinéaste et producteur exécutif et ne voulait pas armer Crockett d’une banale arme à feu, à l’image du 38 spécial utilisé par tous les vrais flics. Dans le pilote, Crockett utilise un SIG-Sauer P220 gris, un pistolet automatique conçu en Suisse et produit en Allemagne. Ce modèle était moins cher que le Sig P210 mais rencontra un certain succès. Etant donné sa fiabilité, les forces armées suisse et japonaise l’adoptèrent rapidement. A la recherche d’une arme plus récente (le Sig Sauer datait de 1975), Mann décida de ne plus l’utiliser après le pilote. Les premières aventures sont l’occasion de tester diverses choses, quitte à rectifier le tir – c’est le cas de le dire - une fois la commande d’une série hebdomadaire confirmée par une grande chaîne. Le SIG-Sauer P220 vu dans le pilote fut donc la seule fois où Crockett utilisa cette arme.
En mai 1984, une fois la commande de la première saison hebdomadaire confirmée, Michael Mann choisit une autre arme de poing pour Crockett. Comme pour le look et le style de la série, le producteur exécutif voulait quelque chose qui sorte aussi de l’ordinaire, pas le banal 38 spécial utilisé par les vraies forces de l’ordre. Une arme de couleur métallisée rendait également mieux à l’écran que le Sig-Sauer P220, trop sombre, utilisé dans le pilote.
L’acteur et champion de tir Jim Zubiena, mémorable Argentin chargé d’éliminer Crockett (Saison 1, épisode 4 : Le Retour de Calderone, 1ère partie), conseilla à Mann de prendre le Bren Ten, une arme considérée à l’époque comme encore expérimentale. La firme Dornaus & Dixon en fabriqua quelques exemplaires entre 1983 et 1986. Ses créateurs voulurent répondre à la demande des forces de police de trouver un bon compromis entre le revolver et le pistolet automatique.
Sur le terrain, les revolvers avaient une plus grande puissance de feu que les automatiques mais ils étaient plutôt lents à recharger avec leur barillet qu’il fallait ouvrir, puis vider les cartouches vides, puis en remettre même si une attache en forme de rondelle tenait les 6 balles et permettait de recharger en une fois pour gagner du temps.
Quant aux automatiques, ils se rechargeaient plus vite et permettaient un nombre de tirs plus élevés. Mais la surchauffe des chargeurs pouvait parfois les amener à s’enrayer et du coup placer un policier en situation de danger. Chaque type d’arme présentait donc des avantages et des inconvénients. Les adeptes du revolver étaient vus comme des cowboys aux armes antiques alors que les pistolets représentaient la technologie, l’avenir déjà à portée de main.
Les ingénieurs Thomas Dornaus et Michael Dixon voulurent relever le défi de réaliser un compromis entre les deux types d’armes : puissance du revolver et capacité de chargeur supérieure aux modèles connus. Ils pensaient même qu’il fallait proposer une puissance de feu supérieure à deux armes réunies, les déjà très puissants Colt 45 et Magnum 357. Ces armes présentaient le défaut de ne proposer que 6 à 8 balles maximum.
Si le Bren Ten présentait une certaine ressemblance avec le pistolet CZ-75, d’origine tchéquoslovaque et capable de tirer 15 coups, son design très particulier allait le différencier de ses concurrents. Fabriqué en acier trempé, aux finitions en chrome brut, ce pistolet attirait immédiatement le regard par son look puissant et la beauté de ses finitions.
Sa crosse était en nylon de texture noire réalisée par la firme Hogue. Le nom du Bren Ten avait un double sens : Ten pour la longueur des balles (10 mm) et 10 pour la capacité du chargeur. C’était une arme conçue et créée pour le combat. Elle pouvait être réglée sur tir simple ou double tir. Au niveau de la sécurité, c’était le top du top puisqu’il était possible de porter l’arme avec la gâchette armée. Un système de goupille de sécurité permettait de bloquer la gâchette et s’il fallait tirer en urgence, il suffisait de bouger la sécurité. L’arme était prête à l’emploi, permettant de gagner un temps précieux au lieu de devoir armer la gâchette puis tirer.
Durant les deux premières saisons, Crockett fit l’éclatante démonstration de la rapidité et la maniabilité de cette arme automatique pas comme les autres. Armuriers comme spectateurs, tous furent étonnés par la puissance et le côté photogénique de ce pistolet à la fois sexy et racé. Dans l’épisode Evan, Crockett vide deux chargeurs sur des cibles mouvantes, dans un stand de tir tenu par un néonazi. Dans Un aller simple, il s’entraîne dans un stand de tir en plein air et réalise un score sans fautes.
Malheureusement, le Bren Ten fut controversé. Dornaus & Dixon livrèrent des armes avec des chargeurs inutilisables, voire inexistants. De plus, les chargeurs de rechange étaient difficiles à trouver et coûtaient assez cher. Incapables de livrer un produit fini avec des accessoires fiables et complets, les commandes furent annulées. Dornaus & Dixon firent faillite en 1986.
Selon le magazine de mercenaires Soldier of Fortune (Hollywood Heat in Miami, octobre 1986, p. 40) : « Cette situation allait laisser le détective Crockett porter une arme qui n’était pas utilisée par aucune force de police du pays. » Toujours soucieux de réalisme quand on sait l’importance des armes aux USA, Michael Mann signa un contrat, à l’entame de la saison 3 (1986/87), avec les traditionnels et légendaires fabricants Smith & Wesson. A nouveau, il s’agissait d'un pistolet semi-automatique chromé, modèle 645 et légèrement modifié au niveau du chargeur afin de pouvoir tirer des balles à blanc face caméra. Comme le Bren Ten, le S&W 645 disposait d’une fonction « permettant au marteau d’armer la détente au premier tir. » Satisfaite du look de l’arme à l’écran et de ses bonnes performances, même avec des balles à blancs ; la production continua son contrat avec Smith & Wesson jusqu’à la fin de la série.
Cependant, l’accessoiriste et armurier Arty Malesci devait veiller à ce que l’arme soit bloquée quand Crockett la portait dans son fameux holster Galco « Miami Classic » (brun avec deux pochettes pour 2 chargeurs et une attache pour des menottes). Le Smith & Wesson 645 de Crockett était donc vide de cartouches pour les séquences ne nécessitant pas de tirs (au commissariat, sur le yacht St. Vitus’ Dance, au restaurant, …).
En effet, la goupille de sécurité du Smith & Wesson n’était pas aussi fiable que celle du Bren Ten. Un mouvement de travers et l’arme pouvait tirer toute seule. Même chargée à blanc, une arme reste dangereuse et peut provoquer de graves brûlures, voire la mort comme ce fut le cas pour la jeune vedette Jon-Erik Hexum, sur le plateau de tournage de la série d’aventures Espion modèle (Cover Up, 1984). Le 12 octobre 1984, durant une pause entre deux prises de vues, l’acteur joua avec un Magnum à canon court et chargé à blanc. Il venait de voir le film Voyage au bout de l’enfer (1978, avec Robert De Niro) et voulut reproduire la fameuse scène de roulette russe, pensant amuser l’équipe, surmenée et tendue le jour du tournage. Malheur lui en prit : la déflagration poussa la balle, chargée avec de la poudre et une boulette de papier, dans son crâne et perfora sa tempe. Tué par une boulette de papier… Vu la puissance du Magnum, la mort cérébrale fut déclarée par ses médecins quelques jours plus tard. Une horrible et tragique fin pour une future star qui aurait pu devenir le nouveau Lee Majors.
Pour les armes de secours que Crockett porte à la cheville, Mann opta pour le Sig-Sauer P220 (modèle de poche), également modifié au niveau du chargeur pour pouvoir tirer à blanc. C’est une arme faite d’alliage de chrome et métallisée qu’on peut voir dans de nombreux épisodes (Ah, la belle vie, Pardonnez-nous nos offenses). Elle sauva même la vie du policier dans l’épisode Un coup de froid quand il se battait avec un monstre viking, chef d’un gang de motards. Quoiqu’il en soit, on se souvient du Bren Ten pour Crockett comme du Magnum 357 pour l’Inspecteur Harry. Malgré toutes les tentatives de nouveaux armuriers, désirant relancer la production du Bren Ten, aucune n’a été couronnée de succès et l’arme restera un souvenir incroyable et mythique des années 80.
by Manu Francq
Combien font neuf + trois ?