Miami Herald Archives : The end - Bonne lecture
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Miami Vice a cessé d’être diffusée il y a 30 ans.
Voici comment elle a changé la ville et la télévision
Le dernier épisode de « Miami Vice » a été diffusé le 21 mai 1989. Cinq ans plus tôt, la série faisait ses débuts sur NBC. Et elle a tout changé. Elle a changé la télévision. Elle a changé la musique. Elle a changé la carrière de parfaits inconnus et en a fait des stars. Elle a changé notre regard sur la ville.
Nous avons ressorti deux articles de Steve Sonsky concernant la série. Steve Sonsky était, à l’époque, rédacteur de sujets relatifs à la télévision pour le Miami Herald.
Le premier est un aperçu du pilote et de ce que les téléspectateurs pouvaient attendre de la série. La seconde est une évaluation cinq ans plus tard.
Maintenant, reprenons du début à la fin de «Miami Vice» au travers des archives du Miami Herald.
The End
Publié le 21 mai 1989
"Nous considérons comme un dixième de un pour cent la réalité objective de Miami Vice. C’est ce que nous estimons. Ce que nous capturons, c'est l'esprit”.
Michael Mann, producteur exécutif, après la première saison.
Au final, nous avons trouvé notre meilleure métaphore pour les débuts de Miami Vice.
La question que nous devons examiner à nouveau est peut être la même que Crockett se pose dans le pilote de la série. Vous vous souvenez peut-être encore de cette scène, diffusée lors de la première de ce dimanche de septembre 1984, il y a 107 aventures de cela. C’était une des images les plus vivantes diffusées dans un pilote plein de graphismes stylés. Les débuts d’une série qui allait changer le look de la télévision et de Miami … pour toujours.
Trahi par son partenaire, abandonné par sa femme, Crockett roule vers une fusillade avec Calderon, baron de la drogue, lorsque, subitement, il stoppe sa Ferrari noire sur le bord de la route. Une cabine téléphonique fantomatique brille dans la nuit. Au loin, la ligne d'horizon se fait brumeuse. La voiture soulève une poussière argentée. Une enseigne au néon éphémère, rose et bleue, est suspendue dans l’espace au-dessus de la cabine. Une nature morte en celluloïde.
Crockett téléphone à sa femme Caroline. Il a besoin de savoir, lui dit-il, presque suppliant, besoin d’un ancrage . . . « C’était vrai, dis-moi ? » Demande-t-il. "Oui, ça l’était", dit-elle. C'était vrai, n'est-ce pas? C’était même bien plus vrai que nous ne l’avions vu au début, avant que la solution à 1% de Michael Mann, sa représentation fictive de Miami, ne devienne réalité. N'était-ce pas extraordinaire à regarder ?
L'art a imité une tranche de vie. Alors la vie a imité l'art. La tranche est devenue le pain.
C'est arrivé parce que NBC voulait une série télévisée qui « avait l'air contemporaine » et que Miami est devenue l'heureuse bénéficiaire de cette innovation. En réinventant le look de la télévision, Miami Vice a réinventé celui de Miami, mais aussi la perception de Miami par le monde. Et nous, à Miami, avons aimé ce que nous avons vu. Et on a commencé à le reproduire.
Richard Brams, co-producteur exécutif de Vice qui a supervisé la logistique à Miami, a expliqué qu’il avait fallu dans les premières années construire des décors pour les looks intérieurs qu’ils souhaitaient. Plus tard, ils ont pu faire plus de tournages en extérieurs car « Miami a commencé à essayer de dupliquer une grande partie des boites discos ou des lieux de divertissements que nous avions conçus », explique Brams.
"Nous avons vu des personnes construire leurs nouveaux établissements de la même manière que nous avions habillé nos décors." Ce n’était pas toujours visionnaire, souligne Brams. "C'était ici", dit-il. "C’était le monde réel de Miami qui imitait ce qui existait déjà, mais pas dans de si grandes proportions. Je veux dire, regarde South Beach maintenant. Ce n’est pas qu’ils nous ont copié. Ils ont répondu à ce que nous avons repéré et (filmé). Ils se sont réhabilités et ont retrouvé leur apparence d'origine, l'intégrité de ce qui existait au début".
Nous savions que la ville était dangereuse. Nous n’avions pas besoin de Vice pour nous le dire. Mais nous avions besoin d'eux pour montrer comme nous pouvions avoir l’air cool et exotiques. Mann a fait tourner son équipe dans un style qu’il avait commencé à perfectionner avec son film culte Thief. Pas de marron. Des rues humides. lisses et brillantes. Montage rapide. Musique électronique (Tangerine Dream dans Thief. Jan Hammer pour Vice).
C’était aussi une réalité concentrée : de la maison rose d’Arquitectonica à Miami Shores aux tours d’acier et de verre de Brickell, en passant par la maison de rêve postmoderniste de l’île d’Indian Creek, en passant par SoBe (ce qui en 1984 n’était que South Beach, où les gens craignaient de se ballader. Des discothèques ? Des restaurants ? Vous plaisantez, mon ami !). Une poursuite en voiture de quelques instants correspondait à une heure de trajet dans la vie réelle. Mann a prit un dixième de la réalité Art Déco - post-moderniste et le modifia pour faire croire que la ville était comme cela.
Miami Vice a réinventé Miami aux yeux du monde, ce n’était pas surprenant. Le pouvoir de la télé ! Ce qui était inhabituel, c’est la manière dont Miami a ensuite intégré cette vision : comment une ville s’est réinventée au travers de son image stylisée et glamourisée véhiculée dans une série télévisée.
Les débuts de Vice furent humbles.
C'était la première idée d'Anthony Yerkovich, lauréat d'un Emmy Award pour ses écrits sur Hill Street Blues. Yerkovich avait été fasciné par une coupure de presse selon laquelle un tiers de tous les revenus non déclarés aux États-Unis provenait du sud de la Floride ou passait par celui-ci. Devinez pourquoi ! Même en travaillant encore sur Hill Street, il a commencé à accumuler plus d'informations sur « les drogues, le style de vie, l'afflux d'immigration ».
Il a commencé à formuler sa propre variante du thème Miami-comme-Casablanca, Miami en tant qu'épicentre de la drogue. "Une sorte de Côte de Barbarie de la libre entreprise devenue folle furieuse" l’a-t-il qualifiée une fois.
Il présente le projet Miami Vice comme un pilote de série de deux heures au président de la NBC, Brandon Tartikoff. Tartikoff en avait sa propre représentation, griffonnée sur un bout de papier. « MTV Cops », avait-il écrit, une idée sur la façon de donner un nouveau tournant à l’ancien standard du réseau télévisé : Intégrer ce qui était essentiellement des vidéos clip dans un contexte de série dramatique.
Il y aurait eu un budget séparé de 10 000 dollars par épisode pour acheter les droits sur des musiques originales, sans précédent pour la télévision. Les idées ont été fusionnées. Quelques mois plus tard d'écriture et de recherches, voyageant autour de Miami avec des policiers et des trafiquants sous couverture, un scénario de Yerkovich appelé Gold Coast, plus tard renommé Miami Vice, était né. Il est difficile de repenser maintenant à toute l’effusion locale qui a précédé la première diffusion. À la suite du fiasco de Scarface, les bigots locaux se sont de nouveau soulevés contre un projet de film dont la violence, craignaient-ils, ne ferait que renforcer l’image négative de Miami.
Le comté a suggéré qu'il voulait des “pouvoirs d'approbation” de scénario afin de coopérer. Au moins ne pourrait-on supprimer “Vice” du titre? Non et non, dit Universal, et si le comté ne voulait pas coopérer, le studio organisera simplement le tournage à Los Angeles. Ils coopéreront.
Au début de la série, la plupart des intrigues étaient centrées sur les crimes liés à la drogue, les flics malhonnêtes. Irréaliste ! Surestimé ! s'écrièrent les critiques. Pourquoi une série hebdomadaire sur la drogue et la corruption policière ?
À l’ère où l'expression « épidémie nationale de drogue » fait partie du lexique, on peu facilement oublier qu'il y a cinq ans à peine, cette sensibilité n'avait pas encore mûri. Vice était prophétique d’une autre manière encore : Yerkovich et Mann reconnaissaient que les drogues étaient fortement répandues, pas seulement à Miami, mais à l’échelle nationale.
C’est là que l’essentiel des ressources de Vice a été ciblé. Au milieu de la critique, Mann a été encouragé, a-t-il raconté une fois, par quelque chose que plusieurs vrais policiers de la brigade des moeurs de Miami lui ont dit: "Vous les gars, vous n'avez pas occulté ce qui se passe réellement ici." En 1986, le chef de la police de Miami, Clarence Dickson, affirmait que 10% de ses effectifs étaient corrompus.
Au cours de la première année, Vice avait des difficultés dans les classements. Le 3 janvier 1985, le New York Times a marqué un tournant. "La plus parlante des séries dramatiques dans l'industrie de la télévision depuis Hill Street Blues", s'est exclamé le Times. Newsweek a suivi, puis une couverture de Rolling Stones, puis celle du New York Magazine, avec John Leonard, qui parle de « Miami [...] Une ville de rêve [...] Vu au travers des filtres de sucettes psychédéliques, dissous dans le montage, empilés sous des superpositions de fantômes, d'étoiles et d'égouts, un sandwich surréaliste d'art abstrait, de miroirs et de cartes postales brisées [...] Il n'y a pas de meurtre à Miami, il n'y a que de l'art”.
La curiosité du public était piquée. La série a terminé la première saison au 47ème rang, mais pendant les rediffusions estivales, il est entré dans le top 10, et y est resté jusqu'à la deuxième saison, qui a débuté par un autre buzz médiatique : les couvertures de People, TV Guide, Rolling Stone, et même Times. Thomas, et surtout Johnson, il y a un an à peine, les acteurs qui avaient gracieusement autorisé qu’on les jettent dans des pots de chocolat pour une activité caritative locale, étaient désormais des icônes nationales.
Au Emmys, seulement quatre récompenses obtenues sur 15 nominations (direction artistique, montage, cinématographie et à Edward James Olmos pour le meilleur second rôle). Pas plus, au début, qu’une succession de scripts indéchiffrables.
Il y avait des défilés. Les chaînes de grands magasins ont présenté des rayons Miami Vice. Toute personne portant des chaussettes n’était pas cool. La barbe de trois jours à la Crockett faisait fureur. Tous les faits et gestes des stars étaient étalés dans les tabloïds, des récits sordides de la romance de D.Johnson avec une mannequin adolescente jusqu’aux enfants illégitimes de P.M.Thomas. Les deux acteurs ont même été invités à un dîner à la Maison Blanche.
"Un couple de policiers de la série télévisée qui fait parler d’elle a pris d'assaut la Maison Blanche mardi soir, écrasant presque un président et un premier ministre", a écrit le Washington Post. Le drame de Miami Vice, du point de vue créatif, était que le sommet de sa popularité n’était jamais en phase avec ce qu’elle faisait de mieux. C’était la neuvième série la plus populaire à la télévision depuis sa deuxième année chaotique, mais dans sa troisième année, après le fameux contrat de Don Johnson, après que NBC eut commis l’erreur stratégique de la faire passer à 21 heures, pour émousser Dallas, la série est tombée à la 16ème place.
Une nouvelle Ferrari blanche et des personnages plus sombres ne suffirent pas pour rivaliser avec l’intrigue de Dallas qui ramenait Bobby Ewing des morts. Il y avait parfois des étincelles, mais la qualité des scénari n'était jamais constante et le public devenait de plus en plus désenchanté. Les tentatives visant à développer Crockett et Tubbs en tant que personnages plus complets semblaient être une réflexion après coup, de même que les co-stars Saundra Santiago, Olivia Brown et Michael Talbott, dont les rôles en tant que Gina, Trudy et Switek devenaient de plus en plus limités chaque année. Seul le lieutenant Castillo (E.J. Olmos) véritable triomphe du minimalisme, de noir vêtu dans un océan de surestimation cinématographique, a pu échapper à l’ombre de D.Johnson.
La série n’a jamais eu la reconnaissance qu’elle méritait , par exemple par la mise en scène de récits d’actualité inspirés par la politique locale.
Un exemple : l’épisode controversé d’octobre 1986 avec G. Gordon Liddy (condamné dans l’affaire du Watergate) jouant le rôle d’un général renégat retraité recrutant illégalement des mercenaires américains pour combattre aux côtés des Contras au Nicaragua ; épisode diffusé une semaine avant que l’avion d’Eugene Hasenfus ne soit abattu.
Le défilé de stars n’a pas pour autant aidé la série à remonter. Au cours de la quatrième saison, malgré une nouvelle vague de publicité sur le mariage de Crockett avec un personnage interprété par la chanteuse Sheena Easton, l’audience a continué de s’éffriter. Atteignant la 44ème place . La chahotique quatrième saison se terminant avec un Crockett amnésique s’imaginant dans la peau de son alter ego trafiquant de drogue, Sonny Burnett.
Au début de la 5ème saison, Mann a annoncé que celle-ci serait la dernière pour Vice. Malgré l’incroyable talent de D.Johnson pour rester en couverture des magazines (à l’automne, c’était la romance avec Barbara Streisand, au printemps, c’était la réconciliation avec son ancienne épouse Melanie Griffith). Le classement moyen de Vice en ce début d’année 1989 était le 65ème rang, la série la moins bien notée de NBC.
Après la grande finale de ce soir, NBC a en fait encore quatre nouveaux épisodes qu’elle cherche discrètement a placer dans sa programmation.
Alors Vice, quelle que soit la réception de ce soir, est assuré de ne pas mourir avec éclat, ce qui aurait été plus approprié, mais plutôt dans une discrétion de fin de classement.
Donc, au final, que retiendrons-nous de Miami Vice ? Dans le monde de la télévision, la série est reconnue pour avoir améliorer irrévocablement la qualité de la réalisation des séries télévisées. Il en ressort que les téléspectateurs apprécient les images de qualité supérieure, ainsi que le son de qualité supérieure. Les bandes sonores pop, de “The Wonder Years à China Beach”, en passant par “Tour of Duty” jusqu’à “Wiseguy”, sont maintenant de rigueur. Elle laisse derrière elle un vide de 20 millions de dollars dans l'économie locale, la somme estimée dépensée ici chaque saison.
Mais elle laisse également derrière elle une infrastructure de production de films et un corps d’experts professionnels du cinéma qui n’existait pas lorsqu’elle a explosé pour la première fois en ville. De plus, Vice continue d’être diffusée à l’étranger : elle est désormais présentée dans 136 pays, d’Abou Dhabi au Zimbabwe et intéresse de plus en plus de cinéastes étrangers.
Ce qui nous amène à la dernière grande question sur l’héritage de Miami Vice : à mesure que le temps passera, est-ce que l’on s’en souviendra plus pour “Miami” ou pour “Vice” ? Bob Dickinson, trésorier du “Grand Miami Convention and Visitors Bureau”, est optimiste après le choc. Le tourisme, tel que mesuré par la perception de la taxe de séjour, était en hausse chaque année depuis le début de Vice.
Le cachet que Vice a octroyé à la ville de Miami a permis de la sortir de l’ombre et de redorer son image.
Mais Mike Collins, vice-président du marketing du bureau du tourisme, n'est pas d'accord. « Le flot continu d'histoires sur la drogue et la violence a une sorte d'effet cumulatif , peu à peu la beauté du paysage s'estompe », théorise-t-il.
Peut-être la plus grande question, comme voulait le savoir Crockett : “C’était vrai ?”
Maintenant que le spectacle est fini, le panache de Miami va-t-il s'estomper aussi, comme une illusion ? Les nouvelles façades des anciens bâtiments vont-elles s'effondrer ? Les clubs SoBe vont-ils se vider et fermer ? Les caméras une fois éteintes, qui va nous mettre en valeur ? Allons-nous cesser d'être cool quand la télévision cesse de nous regarder ?
Maintenant, la prochaine étape dans l’évolution de Miami : faire face aux nouveaux défis.
Au revoir, Miami Vice.
Et merci.
Merci pour les souvenirs.
Merci d'avoir marqué les imaginations. En fin de compte, c'était bien vrai.
Car dans cette ville, tu étais plus qu'une simple série télé. Tu étais la vie.
Article archive initialement publié sur le site du Miami Herald le 29 avril 2019.
Traduit avec passion par ZAQ178.
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