Lettre d'amour à un univers incroyable

Lettre d'amour à un univers incroyable - Paroles de fan

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Octobre 1985 – Habitant la Belgique, je découvre Miami Vice sur la RTB (première chaîne belge francophone), la nouvelle série policière qui fait fureur aux USA. Agé de 16 ans à l’époque, j’étais fan de Starsky & Hutch et connaissais le nom de Michael Mann que j’avais lu comme scénariste dans plusieurs épisodes. J’avais aussi vu son nom au générique de la série Vega$ avec Robert Urich et dans la revue de cinéma Starfix qui lui consacrait un dossier spécial sur La Forteresse noire. Je n’avais jamais vu le film mais je savais que c’était un cinéaste à suivre. Et arrive sa série… Quel choc !
 

Pas de panique : fin de planque


Mon premier contact a lieu avec le 3ème épisode de la saison 1 intitulé Pas de panique. Il est tard, 21h45 et demain, j’ai école mais je m’en fous. Il faut être là et voir ça, mon instinct me le dit. La série commence. Deux flics en planque dans une camionnette, un blanc et un noir. Pas fréquent dans les séries policières de ces années. En plus, Crockett dégage une certaine ambiguïté. Un gars désabusé, à la fois imprévisible et dangereux. Tubbs est plus désinvolte mais on sent la force d’un félin qui tend ses muscles avant de bondir sur sa proie. Chouette, j’accroche.


Et puis commence une poursuite avec une musique mélangeant rythmes reggae et funk, parfaitement dans le ton. Les véhicules se suivent à toute allure et un ralenti s’opère sur les portes du van arrière qui est poursuivi. Bruit de la porte rouillée qui s’ouvre et crépitement de mitraillettes au ralenti toujours. Les balles atteignent le van de Crockett et Tubbs. On les entend traverser le pare-brise ainsi que le bruit du verre qui éclate. Crash. Heureusement, les deux flics n’ont rien. Paf. Arrêt. Le générique démarre avec la plongée sur la mer, les flamants roses, les Rolls Royce, les perroquets, les jolies filles, les buildings du bord de mer ; tout ce qui caractérise Miami dans son côté bling bling et friqué. Mais vient la nuit (dernier plan du générique) et l’aspect de la ville prend un tour nettement plus inquiétant… Le crime. Wow !


J’étais fan de vidéo clips, surtout ceux de Duran Duran vraiment originaux mais je n’avais jamais vu un tel style dans un série télé, un tel travail de l’image, une telle qualité de son. Et pourtant je voyais la série sur un vieux poste en noir et blanc, avec une image qui sautait parfois et qui grésillait. Heureusement, mon grand-père décida de m’offrir un petit poste en couleurs et c’est ainsi que démarra une grande histoire d’amour qui n’a jamais cessé depuis.


Quelques jours plus tard, j’apprends par des copains de lycée que le pilote avait été diffusé un dimanche après-midi et que l’épisode que j’avais vu n’était pas le premier. Je râle car j’aurais bien aimé savoir comment Crockett et Tubbs s’étaient rencontrés… J’avais aussi loupé le 2ème épisode Haut les cœurs. Il me faudra attendre près d’un an et la sortie du pilote à louer en cassette au vidéo club du coin pour enfin savoir. Entretemps, j’ai vu toute la première saison et mettais un point d’honneur à ne pas rater aucun épisode qui était regardé religieusement. Quand France 2 (Antenne 2 alors) a commencé la diffusion, je les revoyais et les enregistrais pour les revoir encore et encore.


Ce qui me fascinait par-dessus tout, c’était la qualité cinématographique de Deux flics à Miami. Pas de personnages avec les spots qui se reflètent sur leurs crânes et de plans banals du genre champ contre-champ. Ici, la caméra bouge, les décors, la musique, le mouvement ; tout concourt à nous offrir 45 minutes de « mini » film à la télé. Sans Miami Vice, pas de X-Files, ni d’Experts. C’est vraiment cette série policière qui a amené la qualité ciné à la télé et ça, c’était révolutionnaire !


Et puis, il y a la musique de Jan Hammer, je me suis rué dessus en me procurant le 45 tours, sorti en 1985 en Europe et puis les 33 tours de la série. Je les écoutais sans discontinuer, me copiais des cassettes audio pour mon walkman et ne m’en lassais jamais. Une atmosphère, un style, une musique obsédante pour une série policière qui l’était tout autant. Et quel plaisir de voir des rock stars au top de leur carrière comme Phil Collins, Glenn Frey, Frank Zappa, … ou des musiciens de grande classe comme Miles Davis, Leonard Cohen, Frankie Valli, Eartha Kitt, …


Ensuite, dans les épisodes, il y avait les vrais tubes des années 80 et pas une réorchestration avec des interprètes cheap. Ce qui m’a fait craindre plus tard que la série ne soit jamais éditée en dvd, comme Cold Case car les droits musicaux seraient top exorbitants à payer. Heureusement, 2005 fut une grande année avec – enfin - la saison 1 en dvd, parsemée de bonus très intéressants sur les coulisses de Deux flics à Miami.


Noooooooooooooooooon ! Autre sujet de fascination, c’était ce boulot d’infiltration policière et cette vision désenchantée du crime. Crockett sait bien que malgré tous ses efforts, les dealers et barons de la drogue ressortent souvent libres grâce à un vice de procédure ou un bon avocat. Parfois, cela se termine mal : quand la femme battue de Bruce Willis décide de le tuer à la fin d’Un œil de trop (épisode 7 – saison 1), Crockett court vers elle en criant : « Noooonnnn ! » puis l’image se gèle et arrive la mention « Executive producer MICHAEL MANN » Ultra-fort !


Pour moi, le personnage le plus intéressant reste sans conteste le Lieutenant Castillo, énigmatique et taciturne à souhait. On ne sait rien ou presque de lui et pourtant, par petites touches, il devient très attachant, malgré un naturel plutôt antipathique de prime abord. Un policier féru de justice qui ne se laisse pas mettre la pression et essaye toujours de mettre les infâmes derrière les barreaux, sans transgresser la loi. Edward James Olmos lui apporte une profondeur peu commune pour la télé d’alors, avec son charisme indéniable et sa gueule ravagée. Gina et Trudy, les femmes policières, me plaisaient beaucoup aussi. Elles étaient un peu les grandes sœurs que j’aurais aimé avoir. Tout comme Switek et Zito, l’autre duo policier, sorte d’« oncles » comiques et bienveillants.


J’étais également fasciné par le personnage de Sonny Crockett, tiraillé entre sa vie de flic infiltré et sa vie privée ratée avec son divorce, son fils qu’il ne voyait jamais. Peu commun pour une série télé. Du jamais vu même. En plus, il montrait ce malaise et ce côté « au bord de l’abîme ». La tentation de basculer de l’autre côté était grande quand il voyait que les crapules qu’il devait faire tomber claquaient en une soirée l’équivalent d’un an de son salaire de flic (30.000 $). Autre aspect intéressant : l’ombre peut coexister avec la lumière puisque les « méchants » n’étaient pas tout à fait mauvais. Ils avaient aussi leurs raisons et elles étaient louables. Du moins pour certains (je pense à Lombard incarné avec beaucoup de chaleur par Dennis Farina, à l’aube de sa carrière et qui jouera ensuite dans une autre excellente série de Michael Mann : Les Incorruptibles de Chicago - en vo : Crime Story qui dura de 1986 à 1988).


Sonny Burnett Les meilleurs épisodes ? Difficile de choisir, il y en a beaucoup. Mais Les souvenirs, le double épisode de la saison 5, où il devient amnésique et se prend pour son double criminel Sonny Burnett, reste parmi mes préférés. Même chose pour Le retour du fils prodigue, le double épisode qui ouvre la saison 2 et suit le duo policier à New York, réalisé par Starsky en personne (Paul Michael Glaser était devenu copain avec Michael Mann pendant le tournage de Starsky & Hutch. Mais aussi David Soul (Hutch) qui réalisa l’épisode Un œil de trop avec Bruce Willis : lire plus haut).


A ce sujet, j’appréciais les personnages d’indics Noogie Lamont et Izzy Moreno qui rappelaient fort le Huggy les bons tuyaux de Starsky & Hutch. Apparu dans 7 épisodes, Noogie a été éclipsé car, paraît-il, l’acteur Charlie Barnett aimait trop la dope en dehors des caméras. Ce que Don Johnson ne lui a pas pardonné en le faisant éjecter du show. Reste Izzy Moreno (succulent Martin Ferrero qui apparaîtra 23 fois), arnaqueur à la petite semaine et roi du déguisement ringard. Un personnage vraiment drôle et attachant.


A partir de là, j’ai commencé à collectionner tout ce que je pouvais trouver sur Deux flics à Miami : cassettes vidéo, bics, plumier, cahiers, posters, articles et photos dans de nombreux magazines, autocollants, … Ma mère m’avait même commandé à la Redoute deux t-shirts de Crockett, un turquoise et un rose ainsi que la veste grise à lignes légèrement blanches de Sonny Crockett, une collection limitée sortie avec le logo de la série imprimé sur les vêtements. La classe. Une façon de s’identifier à Sonny même si je n’avais que la moitié de son âge (18 ans au lieu des 36 ans de Don Johnson).


Au final, trois grosses fardes trônent fièrement sur mon étagère consacrée à la série, à côté des excellents fascicules vendus par Polygram voici quelques années et de deux intégrales en dvd de Miami Vice (un double si jamais les dvd venaient à s’user et s’abîmer, à force de les regarder…). Récemment, j’ai trouvé sur Internet la reproduction originale du badge de police de Crockett, un holster en cuir comme lui et une photo dédicacée par Don Johnson et Philip Michael Thomas. Bonheur. Et plaisir des yeux avant tout, je ne me prends plus pour lui et ne m’amuse pas à faire du Cosplay. C’est de la bonne nostalgie et un retour aux sources de ma jeunesse. Juste pour les bons souvenirs. Parce que cela me fait me sentir heureux.


Enfin, j’ai suivi de près l’évolution des personnages sur les cinq saisons. Certes, ils étaient moins bien écrits que Magnum et Un flic dans la Mafia en termes de profondeur psychologique mais ils prenaient des coups dans la gueule, vieillissaient, se rebellaient, ne savaient plus où ils en étaient et puis reprenaient confiance en eux et repartaient au taquet, envers et contre tout. Comme dans la vie quoi.


Evidemment, il y avait des épisodes plus faibles, d’autres que j’ai trouvé ratés et les deux dernières saisons moins terribles qu’au début. Il faut dire que suivre la série à l’époque relevait du parcours du combattant : la RTB n’avait diffusé que la première saison, j’ai embrayé sur Antenne 2 pour voir la seconde salve d’épisodes tout en me procurant la cassette du Retour du fils prodigue, resté inédit à la télévision à l’époque. Pas de bol pour la saison 3, elle fut diffusée sur la défunte La 5 qu’on ne captait pas en Belgique. Alors, je me suis rabattu sur une chaîne hollandaise qui diffusait la série en anglais avec des sous-titres en néerlandais. A nouveau, j’ai loupé plusieurs épisodes que j’ai pu voir quelques années plus tard en français, en 1991, quand La 5 a finalement pu être captée sur le sol belge.


En 1988, la 2ème chaîne belge à l’époque, Télé 21, diffusa la 4ème saison. J’aimais moins la nouvelle tonalité avec un humour parfois lourd et déconcertant (les épisodes avec le rastaman congelé et les extraterrestres avec James Brown). Mais il y en avait également des géniaux comme Délivrez-nous du mal, sorte de suite au traumatisant épisode 55 de la saison 3 nommé Pardonnez-nous nos offensesCrockett faisait relâcher Hackman, un tueur qui se disait innocent… mais était bien coupable au final ! Ce qui allait entraîner de lourdes conséquences sur la suite de la vie de Sonny. Sur La 5, j’ai pu enfin savourer tout le reste de Miami Vice et constater que Don Johnson était absent de nombreux épisodes de la 5ème et dernière saison, occupé à bosser sur sa carrière cinéma naissante.


Durant ces années 80, j’aimais aussi beaucoup Magnum, MacGyver, Agence tous risques, Un flic dans la Mafia et Rick Hunter mais aucune n’a marqué aussi durablement son empreinte sur moi que Miami Vice. Son aspect cinématographique la portait bien au-delà de ses concurrentes, dont la réalisation et les images paraissaient bien pauvres et ringardes en comparaison.


Malgré la noirceur de son propos et le côté totalement désenchanté de sa vision du crime, elle reste une très grande série qui résiste bien au temps en dépit du côté daté des coiffures et des fringues. Elle ne ressemble à rien de ce que j’avais pu voir. Quand je suis fatigué, je la regarde et elle me booste. Quand je me sens déprimé, je la regarde et elle me requinque. Quand je me sens bien et heureux, je la regarde et je me sens encore mieux. J’y trouve encore de nouvelles choses à chaque vision, aussi bien dans la construction des images que du montage, des décors, de l’interprétation. Un univers vraiment unique et extraordinaire.


Pour moi, c’est un culte, une sorte de dévotion éternelle et une admiration sans bornes que je lui voue. Et j’en suis fier ! Michael Mann, un million de fois merci pour cette création super originale et qui résiste au temps ! Mann you’re the man !
 
 

by Noogie Moreno

 

Publié le 16 novembre 2014 à 14:00:00
24/11/2014 22:09:05 Zaq178

Nous ne sommes pas du même pays mais nous avons le même vécu : "C'est de la bonne nostalgie et un retour aux sources de ma jeunesse. Juste pour les bons souvenirs. Parce que cela me fait me sentir heureux".
Un grand merci à toi, Noogie Moreno, pour cette lettre d'amour à partager.

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